Gilbert GHrandguillaume

Anthropologue arabisant,
spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

Nedroma, l'évolution d'une médina Arabisation et politique linguistique au maghreb Sanaa Hors les murs
Bibliographie Compte-rendus Entretiens Préfaces en arabe   باللغة العربية

Articles
La francophonie vue du monde arabe et du Maghreb
.
: Karin Holter et Ingse Skattum éditeurs, La francophonie aujourd’hui. Réflexions critiques, OIF, Institut de la Francophonie, Paris, L’Harmattan, 2008, p.49-61.

Je voudrais introduire mon propos par une considération plus politique que linguistique sur ce qui constitue la légitimité de la francophonie : la défense du multilinguisme. Car il ne s’agit pas seulement pour elle de s’opposer à l’hégémonie de la langue anglaise, mais aussi de prendre la défense des langues moins favorisées. Elles sont nombreuses comme la littérature sur le sujet en témoigne, vous me permettrez de ne prendre en compte que le cas de la langue arabe, mon intention étant de montrer comment la francophonie est perçue du côté des arabophones. Ce n’est évidemment pas pour prendre le parti de celle-ci contre la langue française, mais pour essayer de faire comprendre les difficultés que peut rencontrer la francophonie de ce côté et de tracer une voie qui ferait passer leur relation de l’opposition à la coopération.

Le sujet est vaste et le temps est court. Plutôt qu’une information qui est maintenant surabondante sur internet et ailleurs, je voudrais engager une réflexion comme le cadre de ce colloque nous y convie. Pour cela il paraît convenable de procéder en deux temps, le premier concernant le monde arabe en général, et le second le Maghreb et plus particulièrement l’Algérie où la question est plus caractéristique.


Francophonie et monde arabe

Un ami arabisant marocain, Mohamed Aslim, qui fréquente intensivement les sites internet de langue arabe (y animant notamment la revue électronique Midouza (2), à qui j’avais posé cette question de la perception de la francophonie de ce côté, m’a répondu que celle-ci était plutôt négative, me renvoyant notamment à la revue Al-Bayân(3) et à un long article de Georges Corm(4), ancien ministre libanais et politologue.

Les adversaires arabes de la francophonie y voient une immixtion politique qui serait la suite des précédentes : croisades, colonialisme et leurs arguments les plus clairs se résument en trois points :
1. la langue étrangère (le français et éventuellement l’anglais) prendrait la place de la langue arabe, empêchant celle-ci de s’épanouir et de répondre elle-même aux requêtes de la modernité (en somme ce que les Français disent de l’anglais…)
2. la langue française est le vecteur d’une influence culturelle divergente de la culture musulmane, en introduisant de nouvelles modes culturelles et de nouvelles mœurs (notamment en ce qui concerne la place de la religion dans la vie sociale et celle de la femme dans la société).
3. la langue française joue un rôle politique d’effraction au détriment d’une langue arabe qui est la caisse de résonance de la solidarité arabe sur des questions comme la Palestine et l’Iraq (où l’honneur arabe serait bafoué) et dans un contexte plus large de guerre des civilisations (Huntington).

Ces points de vue ne sont pas toujours aussi abrupts, mais ils constituent la pointe extrême, nuancée par la position de la France vis-à-vis de l’Iraq et de la Palestine. La position adoptée par Georges Corm se situe elle aussi dans une optique politique pro-arabe. Comparant les positions respectives du Commonwealth britannique et de la Francophonie, il constate que celle-ci ne représente pas un poids d’intervention aussi efficace que le Commonwealth. Il souhaiterait que ses membres arabes y soient plus actifs et conseillent aux deux membres qui n’en font pas partie, l’Algérie et la Syrie, de les rejoindre afin d’y bénéficier de l’appui des pays qui en sont membres. Approuvant la participation des sept pays arabes qui en sont membres (Liban, Maroc, Tunisie, Egypte, Mauritanie, Djibouti, Comores), il reconnaît que la Francophonie comporte un programme spécial concernant la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’homme et la citoyenneté. Dans cette optique il estime que la Ligue arabe devrait demander le statut d’observateur à l’Agence de la francophonie et celui de membre dans les réunions de chefs d’Etats.

La caractéristique commune de ces points de vue est de percevoir dans la francophonie essentiellement l’aspect politique, voire idéologique. L’aspect linguistique apparaît davantage lorsque l’on considère la situation à l’intérieur d’un pays déterminé comme dans le cas de l’Algérie que nous aborderons. Toutefois, même à ce niveau de globalité, il apparaît que des initiatives seraient possibles sur la base d’une meilleure connaissance (entraînant reconnaissance) de la sphère arabophone. Celle-ci (qui se développe de plus en plus avec les media et l’internet) constitue un monde fermé par rapport à l’Occident, elle ne s’y révèle que par à-coups à l’occasion d’évènements généralement défavorables à la réputation du monde arabe tels que manifestations, prises d’otages, violences diverses. Pour le reste, la langue arabe l’enferme dans un monde de méconnaissance : le fait par exemple que la tradition culturelle occidentale se réfère à l’héritage grec, puis chrétien, pour aboutir à la Renaissance, en réduisant le rôle de l’apport arabe à celui de simple transmetteur de la culture gréco-latine, sans lui reconnaître sa place dans le processus qui a abouti à la culture contemporaine. Parlant de cette illusion de l’Occident, l’écrivain Youssef Seddik la définit comme « celle que dessine le parcours d’une autoroute qui, arrivant des pré-socratiques, récupère la pensée judaïque hellénisée, intègre la chrétienté romaine, mais contourne orgueilleusement le fonds islamique(5).»
Sur ces problèmes la francophonie serait à même de prendre des initiatives concernant tant la langue que la culture arabe afin de réduire le cloisonnement des deux univers car, si on met à part le cas des extrémistes et de leur utilisation politique, le monde arabe est beaucoup plus ouvert qu’on ne le suppose à la culture véhiculée par la francophonie.


Francophonie et Maghreb

Le thème de la francophonie au Maghreb est encore plus vaste que le précédent et je n’en saisirai que l’aspect de son contact avec la langue arabe, laissant de côté le secteur important de ce qu’on nomme habituellement la « littérature francophone » qui est généralement l’objet des recherches et des colloques. Je veux toutefois en souligner l’importance en ce qui concerne la culture maghrébine : non seulement par le mode d’expression important qu’il représente, mais aussi parce qu’il côtoie de façon intime les langues du Maghreb, à la fois l’arabe écrit et les langues parlées, arabes et berbères : il y a là une création linguistique originale, qui a fait l’objet de nombreux travaux (6) , et où s’exprime une vitalité extraordinaire.

Tout en reconnaissant ce que présentent ces études, ce n’est pas d’elles que je veux parler aujourd’hui. Mon but est de réfléchir sur le rapport entre les langues arabe et française dans le pays où ce rapport a été et reste le plus compliqué, mais aussi le plus dense, à savoir l’Algérie, et d’essayer d’éclairer la perception qui en est faite de l’intérieur, au-delà de l’élite cultivée et bilingue qui a pu résoudre ces problèmes pour elle-même.


Un bref rappel sur la politique linguistique en Algérie

Ce n’est ni le lieu ni le temps de nous attarder sur un rappel pourtant nécessaire(7) . L’Algérie en 1962 était totalement francophone dans son enseignement, son administration. L’arabe écrit y était largement ignoré, et le français côtoyait les langues maternelles parlées arabes et berbères.

Les gouvernements indépendants (Ben Bella puis Boumediène) ont estimé qu’il fallait restaurer la place de l’arabe dit littéral ou parfois moderne, pour sa double référence à l’islam et à l’appartenance au monde arabe, en voulant définir par ces deux facteurs une identité algérienne indépendante. Au lieu d’être conduite dans une optique de bilinguisme arabe-français, cette politique d’arabisation s’est déroulée dans un climat conflictuel opposant deux groupes socio-culturels désireux d’avoir accès au pouvoir et selon les méandres de l’opportunisme politique. La préoccupation pédagogique a été généralement occultée par les aléas politiques. La mise en place de l’arabisation de l’enseignement a été réalisée, se fondant en une première étape sur la considération nationale, et dans un second temps, marqué par l’apparition de l’islamisme, sur le lien de la langue arabe à l’islam. En réalité, ce lien était depuis longtemps ancré dans l’esprit de la population et manipulé par le pouvoir en place. Quant au résultat, ce fut la fameuse « école sinistrée » dénoncée par le président Boudiaf en 1992, d’où le français était largement absent, mais où la langue arabe n’était guère mieux maîtrisée.


Une difficile réforme de l’enseignement

C’est de cette situation que le président Bouteflika, élu le 15 avril 1999, a tenté de sortir à partir de son élection, en affichant sur cette question des langues une liberté de parole inhabituelle jusque-là. Sa participation au sommet de la francophonie de Beyrouth en octobre 2002 – même s’il est dit qu’il le fait en tant qu’invité personnel du président Lahoud – est un geste symbolique audacieux, qu’il confirme d’ailleurs par une déclaration à la presse, affirmant « que son pays s'acheminait "lentement mais sûrement" vers l'entrée dans la francophonie, même si certains en Algérie n'y sont pas favorables ».

La mise en place d’une Commission Nationale de Réforme du Système Educatif (CNRSE), délibérant durant une année, aboutit à une réforme dont l’un des objectifs était la restauration du bilinguisme par la réintroduction du français dans les divers niveaux de l’enseignement. Les travaux de la commission avaient révélé de fortes tensions en son sein entre le groupe des « arabisants » attachés au maintien du statu quo, et celui des réformistes. C’est ce groupe qui l’a finalement emporté, mais le rapport final n’a jamais été rendu public et le ministère de l’éducation applique avec prudence le programme des réformes souhaitées, notamment le rétablissement de l’enseignement du français à tous les niveaux.

Pour faire passer ce programme, le président doit continuellement l’assortir de mesures souhaitées par les « arabisants » : encouragement à l’enseignement du Coran, strict contrôle des écoles privées qui se dispenseraient volontiers de l’enseignement de l’arabe. Ces mesures, vues de l’extérieur comme des reculades, sont en réalité des contrepoids idéologiques de la réforme, et parfois des nécessités, comme le report de l’enseignement du français en deuxième année primaire, reporté ensuite en troisième année, après le constat du manque d’enseignants pour cette matière.


Des obstacles à la réintroduction du français

L’un de ces obstacles est le manque à tous les niveaux d’enseignants à même d’enseigner le français. Dans l’enseignement primaire et secondaire, ce manque est dû au fait que, dans les années 80, on avait cessé d’en former dans les écoles normales. De ce fait, l’enseignement de cette matière prévu par les programmes n’était plus assuré, notamment dans les régions du centre et du sud. La montée de l’islamisme dans les années 90 et son emprise sur le milieu enseignant à contribué à réduire encore le nombre de ces enseignants par l’intimidation, voire la menace. Le ministère a donc dû engager un nouveau programme de formation d’enseignants de français, dont le résultat n’apparaîtra que dans quelques années. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, où sévissait la même carence, des programmes importants de formation sont en cours, dont un projet franco-algérien de formation de 2000 maîtres-assistants sur trois ans, projet qui a fait le 8 avril 2005 l’objet d’une convention entre le ministère des Affaires étrangères algérien et l’ambassade de France.

D’autres résistances viennent du clan des arabisants qui dispose d’importants relais dans la caste dirigeante, dans certaines organisations telles que la Coordination nationale de soutien à l'école authentique et ouverte, présidée par Ali Ben Mohamed, ancien ministre de l’Education nationale, qui dénoncent publiquement « l’abandon de l’arabisation ». Ces protestations trouvent un écho chez les enseignants principalement du primaire qui, même quand ils ne sont pas acquis aux thèses islamistes, manquent de formation et sont incapables d’appliquer les réformes projetées. Ces réactions existent aussi dans l’enseignement supérieur où la langue française est souvent mal maitrisée et où les bénéficiaires de promotions rapides voire imméritées ne souhaitent pas le retour de cadres compétents. Le ministre tunisien de l’enseignement supérieur M Mohamed Charfi, auteur d’une remarquable réforme de l’enseignement, disait justement qu’il ne suffisait de concevoir et de décider une réforme, mais qu’il fallait disposer d’un corps enseignant capable de la mettre en œuvre.

Les adversaires de cette réforme la présentent comme une « refrancisation » et savent qu’ils trouveront un écho dans une large partie de la société algérienne. Pour celle-ci, la langue française est non seulement la langue de la colonisation, mais surtout la langue du pouvoir arbitraire actuel, la langue de ceux qui dirigent le pays selon leurs intérêts et suscitent le rejet de la population. A côté de ceux qui bénéficient des avantages économiques et politiques du régime, se dresse la masse des laissés-pour-compte, la société plébéienne selon l’expression de Mohamed Harbi, qui regarde non vers l’Occident mais vers l’Orient, vers ce qui vient par terre et non par mer. Cette partition de la société est ancienne, et l’ouvrage récent de Gilbert Meynier sur l’Algérie des origines(8) révèle une situation analogue face à la civilisation gréco-romaine, qui se répandit dans les villes et sur les côtes, mais laissa de côté la plus grande partie du pays restée fermée à toute influence extérieure. Pour cette partie de la population (et sans doute pour l’autre également), le lien à la langue arabe est radical, identitaire, et se conforte de références religieuses. Ce lien se manifeste autant par rapport à la langue arabe écrite qu’à la langue parlée. Il est constitutif pour une population qui a été l’objet d’un mépris (hogra) de la part des colonisateurs, puis de ses propres dirigeants jusqu’à ce jour.


L’importance d’un vrai bilinguisme en Algérie

Je tenais à faire part de ces obstacles – parmi bien d’autres – pour dire qu’on aurait tort de voir dans la réforme actuelle un simple mouvement de balancier qui amorcerait un retour triomphal du français comme semblent le penser certains gestionnaires de programmes français. Ce serait une erreur, car s’il y a un mouvement – certes ambivalent – vers la langue française, pour son utilité et ses valeurs, il ne signifie pas un détachement de l’arabe. Même si la connaissance de l’arabe comme outil d’expression est souvent aussi déficiente que celle du français, la solution ne peut être qu’une mise en œuvre conjuguée des deux langues fondée sur la conscience de leur solidarité et de leur nécessité pour l’équilibre de la société.

Les responsables des services diplomatiques et culturels français sur l’Algérie ont pendant des années estimé que la langue française devait être opposée à la langue arabe. Les mots ont changé depuis, mais il n’est pas certain que les pratiques aient suivi. Des actions effectuées à partir de la structure de la francophonie dans sa dimension internationale seraient sans doute mieux à même d’effectuer cette mutation des esprits et des pratiques.

De quoi s’agit-il en effet, sinon de la pédagogie des langues. Celle de l’enseignement du français bénéficie de l’expérience et des structures de l’enseignement français. En ce qui concerne l’arabe, ou bien c’est le vide, ou bien on se tourne vers le Machrek, qui diffuse spontanément une pédagogie de la mémorisation. Dans l’intérêt même d’une bonne implantation de la langue française, une coopération efficace devrait élaborer une pédagogie rationnelle et commune aux deux langues. Ce qui signifie que la francophonie prenne en souci non seulement le français, mais aussi l’arabe, avec pour objectif que l’apprenant acquière une connaissance aisée des deux langues. Ceci s’est passé dans d’autres pays, notamment en Tunisie, c’est maintenant une nécessité vitale en Algérie, dont dépendent tous les efforts pour remettre sur pied le système de l’enseignement. Toutes ces mesures auraient pour but d’établir une coexistence des langues dans les esprits et les institutions, remplaçant l’indifférence, voire l’hostilité réciproque entretenue jusqu’à présent.

Conclusion
La francophonie ne peut être fermeture sur le français et son développement. Elle s’est légitimée sur le plan international comme revendication du multilinguisme. Cela entraîne un engagement à soutenir les autres langues et à prendre en charge leur développement à concevoir non comme une menace mais comme un enrichissement. Des initiatives dans le champ déterminé par son rapport à la langue arabe serait non seulement profitables à son propre dessein de valorisation de la langue française mais témoignerait de sa dimension internationale et cautionnerait la légitimité de son action en faveur du multilinguisme.

Et pour terminer je citerai cette déclaration du président Bouteflika dans le discours qu’il a prononcé à Beyrouth au sommet de la francophonie :

Que les deux cultures qui se sont le plus côtoyées tout au long de l’histoire soient celles qui entretiennent les rapports les plus chargés de tension, relève d’un paradoxe apparent que soulignait le regretté professeur Jacques Berque, lorsqu’il estimait que les malentendus entre ces deux ensembles tenaient, non pas à un éloignement culturel, mais à une trop grande proximité, géographique, peut-être, disait-il, mais surtout “historique et même essentielle”.



ANNEXE

Cette annexe vise à mettre en évidence l’alternance de mesures durant la présidence Bouteflika, pour montrer comment le pouvoir politique doit constamment équilibrer son action en faveur de la langue française ou de la langue arabe. En voici un bref rappel chronologique :

1999
19 mai: à la Journée de l’étudiant, le président Bouteflika s’exprime publiquement en français et dit qu’il faut accéder au savoir quel qu’en soit la langue.
20 septembre : le quotidien El-Moudjahid (9) publie une longue lettre ouverte de Abdelkader Hadjar, chargé de l’arabisation au FLN, critiquant l’ouverture du président. M.Hadjar est en 2007 ambassadeur d’Algérie en Egypte.
2000
8 mai : une circulaire du ministre de l’enseignement supérieur rétablit l’usage du français dans des disciplines arabisées et provoque les critiques du FLN.
13 mai : installation de la commission nationale de réforme du système de l’enseignement (CNRSE), pour proposer des réformes dont on sait que l’un des points forts est la question des langues.
21 septembre : installation du Conseil Supérieur de la Langue Arabe.
2001
28 janvier : le ministre de l’Education nationale, M.Benbouzid, déclare que 50 % des établissements scolaires ne sont pas encadrés par des enseignants de français ou d’anglais, et que « les résultats du BEF et du bac ont démontré que, les plus mauvaises notes sont enregistrées au niveau de la langue arabe »(10) .
26 février : A l’occasion d’un voyage à l’Université de Blida, A.Bouteflika réaffirme qu’il faut « casser les tabous » et assurer « une plus grande ouverture aux langues étrangères » tant à l’Université qu’à l’école primaire. Il s’en prend aux adeptes de «cette école réactionnaire dont le but est de nous ramener à des siècles en arrière en tentant de semer le doute et la confusion sur la question des constantes nationales». Le ministre de l’Enseignement supérieur qui l’accompagne autorise l’utilisation des langues étrangères à l’université dès l’année prochaine sans restriction(11) .
28 mars : Remise officielle au président Bouteflika du rapport de la CNRSE, dans un climat de vive polémique. El-Khabar al-usbu'î (N°107 du 20-26 mars) titre que « la commission a évité la réforme pour se noyer dans les langues », et présente la position des contestataires, menés par Ali Ben Mohamed, ancien ministre de l'EN.
19 mai : Création de la Coordination nationale de soutien à l'école authentique et ouverte, présidée par Ali Ben Mohamed, lors d'une réunion à l'hotel Safir. Etaient présents à cette réunion les leaders des partis islamistes (Nahnah, Djaballah et Adami), les représentants de l'Union nationale des professionnels de l'éducation et de la formation (UNPEF) et de la Fédération nationale des associations des parents d'élèves, Ali Ben Mohammed, Abderahmane Chibane (ex-ministre des Affaires religieuses), Abdelhamid Mehri ainsi que des associations religieuses. Le FLN a décliné l'invitation que lui a adressée l'UNPEF pour prendre part à la rencontre.
29 juillet : Le quotidien L'Actualité publie, le 29 juillet, une instruction adressée par le ministre des Affaires religieuses, B.Ghalamallah, aux imams, instruction que Le Matin considère comme une « déclaration de guerre aux francophones ». Le ministre s'en prend en effet aux partisans de la laïcité et de l'occidentalisation, formés loin de l'environnement musulman et attribue les difficultés dans les secteurs de l'éducation, de l'administration, de la législation et de la diplomatie à l' « attachement à la langue française et à la marginalisation de la langue arabe » qui y régnerait. Et d'inciter les imams à « sensibiliser les citoyens sur ce danger »(12).
16 octobre : Le gouvernement Benflis signe un décret instituant un Centre culturel islamique national, sous la tutelle du ministère des Affaires religieuses, dont le siège est à Alger. Le projet date de 1972. Sa mission est de « relancer, développer et diffuser la culture islamique et veiller au progrès de la pensée islamique authentique ».
2002
31 janvier :Journée d'étude sur la situation de l'éducation islamique à l'école, organisée par le HCI(13).
Avril : Approbation en conseil des ministres du « rapport Benzaghou » rédigé par la CNRSE.
10 avril : Loi portant révision constitutionnelle. Art.3bis : « Le tamazight est également langue nationale. L’Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. »
18 octobre : A.Bouteflika assiste à l’ouverture du sommet de la francophonie à Beyrouth, à titre d’invité du président libanais Lahoud.
2003
4 mai : Le ministre de l’EN annonce un projet de réforme comportant l’enseignement du français dès les premières années du primaire.
30 juin : Le Conseil supérieur de la langue arabe organise un colloque de deux jours.
2004
24 mars : Un décret fixe les conditions de création et d’ouverture des établissements privés (en 7 points, dont l’obligation d’enseigner les programmes algériens, sauf autorisation du ministère de l’Education nationale).
13 juillet : Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Rachid Harraoubia fait état du manque d’enseignants universitaires par rapport au nombre d’étudiants. Selon lui il n’y a pas un seul enseignant de rang magistral pour la langue française à l’Université d’Alger(14).
2005
8 avril : Signature d’une convention entre le MAE algérien et l’ambassade de France d’une convention relative à la création d’une école doctorale de français en Algérie sur la base d’un budget de 6,5 millions d’euros. Dans le cadre du système LMD (licence, master, doctorat) le projet vise la formation d’ici à 2008/2009, d’environ 2000 nouveaux enseignants et chercheurs de rang doctoral spécialisés dans la langue française qui se chargeront, à la fin de leur cycle, de la formation de milliers d’enseignants de la langue française dans les universités algériennes. L’application doit se faire à partir de l’année universitaire 2005-2006.
10 avril : A l’occasion de la 2ème conférence des ministres africains de l’Education, le président Bouteflika lance un sévère avertissement aux établissements privés algériens qui veulent échapper à l’arabisation(15) : « Je suis prêt à enseigner le français dès la première année primaire, a-t-il martelé, mais il est tout à fait clair que toute institution privée doit enseigner dans la langue nationale et officielle. Si elles ne se conforment pas à cette règle, elles seront appelées à disparaître. »
3 mai : Le président Bouteflika préside à l’inauguration de la 2ème semaine du Saint Coran(16) .
26 juin : Lors du conseil des ministres, le président Bouteflika confirme la suppression de la suppression de la filière des sciences islamiques dans le secondaire décidée précédemment et contestée par le parti islamiste MSP (5 ministres au gouvernement). Il rappelle l’obligation faite aux écoles privées d’enseigner toutes les matières en langue arabe(17) .
2006
23 janvier : Le coefficient de l’arabe est revu à la hausse pour la 6e, le BEF et le bac. L’histoire sera enseignée à partir de la 3e année primaire au lieu de la 5e. L’éducation islamique sera examinée au bac à partir de juin 2008. Le volume horaire attribué à l’enseignement de ces trois matières est consolidé.
10 avril : Le président Bouteflika préside l’ouverture de la Semaine du Coran (7ème édition)
25 juillet : L’enseignement du français qui avait été rétabli en 2005 à la seconde année de l’enseignement primaire est reporté en troisième année à la rentrée 2007 pour des raisons pédagogiques(18).
28 août : Le ministre Benbouzid annonce que la réforme du système éducatif sera totalement appliquée à la rentrée 2007.
28 octobre : Le coefficient de la langue arabe passe de 4 à 5, faisant de cette discipline la matière dotée du plus fort coefficient lors des examens en Algérie, dépassant ainsi les mathématiques qui ont de tout temps constitué le coefficient le plus élevé toutes matières confondues. De leur côté, les coefficients de l’histoire, l’éducation islamique et l’anglais ont été augmentés également d’un point, pour passer à 2. Les autres matières gardent leurs coefficients initiaux, à savoir 4 pour les maths, 3 pour le français, 2 pour la physique et 1 pour la géographie et l’éducation civique(19) .

REFERENCES

Achour, Christiane, Chaulet (dir.) 2006. Convergences francophones, Université de Cergy-Pontoise.
Grandguillaume, Gilbert 1983. Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose.
Grandguillaume, Gilbert 2003. « Les enjeux de la question des langues en Algérie », in Robert Bistolfi (dir.), Les langues de la Méditerranée, Paris, L’Harmattan : 141-161.
Meynier, Gilbert 2007. L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’islam, Paris, La Découverte.
Sanaker, John Kristian, Karin Holter et Ingse Skattum 2006. La francophonie – une introduction critique, Oslo, Oslo Academie Press.
Sekkik, Youssef 2002. Le Coran. Autre lecture, autre traduction, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, Editions Barzakh.



2 http://www.midouza.org.
3 http://albayan-magazine.com/files/frankofoniah/
4 http://georgescorm.com/ar/articles/articledetail/article17.shtml
5 Youssef Seddik, Le Coran. Autre lecture, autre traduction, La Tour d'Aigues, Editions de l’Aube, Editions Barzakh, 2002, p.18.
6 L’un des plus récents est Convergences francophones, dirigé par Christiane Chaulet Achour, Université de Cergy-Pontoise, septembre 2006. Mentionnons aussi La francophonie, une introduction critique, de J.K.Sanaker, K.Holter et I.Skattum, Unipub forlag, Oslo Academic Press, 2006.
7 Pour une étude détaillée de la question, je rappelle mon ouvrage Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, et une mise à jour « Les enjeux de la question des langues en Algérie », in Les langues de la Méditerranée, dir.R.Bistolfi, (Paris,L’Harmattan, 2003, p.141- 166, ainsi que mon site internet http://grandguillaume.free.fr
8 Gilbert Meynier, L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’islam. Paris, La Découverte, 2007.
9 El-Moudjahid, 3-4 septembre 1999.
10 La Tribune, 29 janvier 2001.
11 El-Watan, 27 février 2001.
12 Le Matin, 31 juillet 2001.
13 El-Watan, 2 février 2002.
14 El-Watan du 14 juillet 2004.
15 Le Quotidien d’Oran, 11 avril 2005.
16 El-Moudjahid, 3 mai 2005.
17 Le Quotidien d’Oran, 27 juin 2005.
18 Le Quotidien d’Oran, 25 juillet 2006.
19 Le Quotidien d’Oran, 28 octobre 2006.


Gilbert GHrandguillaume

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spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

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